Un très grand merci à Les Mutins de Pangée pour m’avoir permis de découvrir cette très belle et passionnante trilogie de documentaires, et un long métrage, réalisé en 1979 par Gérard Guérin, qui donnait la parole à trois générations de paysannes lorà la suite de la campagne de protestation de extension militaire sur le plateau du Larzac .
Trois générations de paysannes du Larzac, de 1900 à 1980, relatent ce qui tissent leurs jours et parlent sans détour du mariage, de la famille, de la sexualité, de la religion, de l’éducation, de la guerre, du travail, de l’argent et de toutes les idées nouvelles apparues avec la lutte contre l’extension d’un camp militaire. Chacune parle avec une langue que l’on voit évoluer des plus âgées aux plus jeunes, et une émotion sincère.
Quand en 1971, le gouvernement d’alors décide de l'extension d'un camp militaire sur le causse du Larzac, un mouvement de protestation et de de désobéissance civile non-violente s’est engagée autour de 103 paysans locaux qui dura une décennie jusqu’en 1981, et qui se solda par l'abandon du projet sur décision de François Mitterrand, nouvellement élu Président de la République. Dans l’action, de nombreuses femmes paysannes, dont certaines seront incarcérée à la prison de Montpellier.
Gérard Guérin donne alors la parole à ce femmes de l’ombre dans cette trilogie documentaire. Une série en trois parties, Travail, Le dehors et le dedans, Le choix de la peine, Famille, Parents et enfants, Épouse et fermière, et Révolte, Si je sème du blé je ne récolte pas de l'avoine, la parole des femmes du Larzac, évoque avec émotion, humour et passion, la vie des femmes dans le monde paysan, de celles sans qui depuis des siècles, sans doute depuis que l’humanité à maîtrisé l’agriculture, rien ne pourrait être possible.
Elles sont à la maison à s’occuper des enfants et des finances, à la ferme pour s’occuper des bêtes et des terres comme les hommes. Ces femmes de l’ombre qui en font plus que les maris ont eu enfin l’occasion de raconter. Trois générations de paysannes, de celles dont on a eu besoin notamment en temps de guerre pour tout faire sans les hommes au front ou prisonniers de guerre, sans aucune reconnaissance, pas même des droits de vote ou de parité avant 1945. Il faudra attendre 1999 pour qu’enfin les femmes d’agriculteurs touche une retraite auquel elles n’avaient pas droit, bien qu’aujourd’hui encore, elle est tellement basse voir quasi insignifiante qu’elle est deux fois et demi plus faible que la plus basse retraite tout confondu en France.
Un documentaire passionnant de par la parole libérée de ces femmes, et terriblement émouvant de par leurs vies et ressentis, avec la justesse de leurs réflexions, de celles trop souvent et trop longtemps méprisées, quand elles font preuves d’intelligence et de bon sens face aux guerres, à la religion, et à leur statut. Loin de l’image des Dominici. Une vie belle et magnifique, avec ses duretés des caprices du temps et des hommes. Le travail des enfants souvent à huit ans, été comme hiver, dans les champs et à la ferme, de la terre aux animaux, durant toute une vie de passion et d’amour de la terre. Les femmes nous révèlent leur vie sans tabou, entre la gestion des finances et des enfants, de la maison à tenir, du linge et des vaisselles, des repas et du mari à épauler en toutes circonstances. C’est des vies de vingt quatre heures par jour toute l’année de toute la vie sans repos ni vacances, sans reconnaissance ni droits.
J’ai été ému et sensibilisé par leur propos et leurs pensées, par leurs vécus et leurs ressentis, par leurs passions, et par la justesse de leurs positions sensées. Une grande leçon d’humanité toujours d’actualité, qui mériterait de la part de Gérard Guérin, de revenir au Larzac quarante ans plus tard et de continuer avec la quatrième et cinquième génération, les filles et petites filles, sur les pesticides, la mondialisation, les politiques agricoles communes intrusives et destructrices, polluantes et empoisonnantes, sur la biodiversité, le dérèglement climatique et l’agriculture biologique, afin de connaitre sur les changements que ressentent ces paysannes modernes. On a envie d’en savoir plus depuis sur ces femmes si attachantes.
En plus de la
trilogie, il est proposé Guerres de femmes, est une version long métrage de la collection Paysannes, réalisé en 1980, centré sur la lutte des paysannes du Larzac contre l’extension du camp militaire, et sur leur prise de conscience en faveur de la non-violence. Les témoignages montrent comment la lutte pour défendre le Larzac a été le révélateur de certains problèmes, une remise en question de valeurs traditionnelles, mais aussi un enrichissement et un dépassement de soi.
Le documentaire Paysannes, distribué par Les Mutins de Pangée, est disponible dans les meilleurs bacs depuis le 2 mai 2019. Le coffret est proposé en 3 DVD dans un bel écrin accompagné d’un livret de 104 pages. Dans les suppléments, Paysannes + 40, Gérard Guérin revient sur la fabrication des films 40 ans après en compagnie de Gérard Mordillat.